Semaine thématique « Stratégie d'inclusion et d'accessibilité dans les musées »
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m'appelle Sébastien Magro, j'ai 42 ans, je suis consultant, journaliste indépendant et enseignant. Je m'intéresse aux expériences minoritaires au sein des musées et à la façon dont elles interrogent le rôle social des institutions patrimoniales. Je travaille dans le secteur culturel depuis 20 ans, et j'ai une vision panoramique des enjeux professionnels. J'interviens dans l'enseignement supérieur depuis plus de 10 ans.
Pouvez-vous présenter la semaine thématique « Stratégie d'inclusion et d'accessibilité dans les musées » que vous animez à l’ICART ?
Il s'agit d'un atelier qui s'est déployé sur une semaine intensive au mois de février 2024. Il avait pour objectif de produire une recommandation stratégique adressée au Musée de l'histoire de l'immigration autour des questions de diversité, d'inclusion et d'accessibilité. Ces trois principes, corollaires de la médiation culturelle, figurent au cœur de la politique des publics d'un grand nombre d'établissements patrimoniaux. Plus largement, l'atelier a permis aux étudiants d'explorer les enjeux entourant la notion de rôle social des musées.
Quelles sont vos méthodes de travail ? Que doit connaitre l’étudiant à la fin de cette semaine ?
J'ai demandé aux étudiants de visiter le musée en amont de la semaine intensive et de manière autonome. Nous avons commencé par une première journée consacrée aux notions fondamentales (définitions du musée, médiation culturelle, accessibilité, diversité et inclusion), illustrée d'études de cas provenant de ma veille en France et à l'international. Puis j'ai accompagné les étudiants dans la production de leurs recommandations sur les 3 jours suivants. Je leur ai fait bénéficier de mes conseils et de mes observations sur leurs propositions, sur la base de mon expérience professionnelle et de ma veille stratégique. Enfin, la dernière journée a été occupée par des présentations orales en groupes.
L'objectif était que les étudiants revoient les bases de la muséologie et se familiarisent avec les concept-clés, afin d'être en mesure de concevoir des projets visant des personnes en situation de handicap ou publics minoritaires, par exemple. J'ai plusieurs fois souligné le leitmotiv de l'inclusion "Rien sur nous sans nous", qui est utilisé dans les mouvements handi et dans la lutte contre le VIH/sida, notamment. L'inclusion ne peut pas se faire sans associer les personnes concernées.
Quels sont les grands enjeux auxquels font face les musées en matière de diversité, d’inclusion et d’accessibilité ? Avez-vous quelques chiffres clés à nous partager sur le sujet ?
Quel que soit leur statut, en France, les musées sont au service de leurs publics. Pour obtenir l'appellation "Musée de France", il doivent même s'engager à "rendre [leurs collections] accessibles au public le plus large". Par ailleurs, depuis août 2022, les notions de diversité, d'inclusion et d'accessibilité sont explicitement mentionnées dans la définition adoptée par l'ICOM¹. Or, des rapports de force perdurent entre les institutions muséales et certaines catégories de publics qui reçoivent une qualité de service moins bonne, voire font l'objet de discriminations : personnes handicapées, personnes racisées, minorités de genre et minorités sexuelles, notamment. En France, selon les indicateurs, on compte entre 2,6 millions et 7,6 millions de personnes handicapées en 2023². Les lois successives de 2005 et 2015 indiquent que les établissements recevant du public (dont les musées et les monuments font partie) doivent être en mesure d'accueillir les personnes en situation de handicap... Pourtant, beaucoup ne le sont pas encore et certains ne le seront sans doute jamais, compte-tenu de leurs bâtiments qui rendent difficiles des aménagements nécessaires. Même chose pour l'accessibilité numérique : trop peu de sites web d'établissements respectent le RGAA, le référentiel général d'amélioration de l'accessibilité. Par ailleurs, de plus en plus de visiteuses et visiteurs attendent des engagements de la part des musées sur les questions sociales³ alors qu'en 2023, les crimes et délits LGBTIphobes sont en augmentation de 19%⁴ et ceux à caractère raciste, xénophobe et antireligieux de 32%⁵. En tant qu'institutions au service des publics, les musées doivent donc travailler à offrir de meilleurs conditions d'accès pour toutes et tous.
Qu'est-ce qui vous rend le plus fier dans l'apprentissage que vous donnez ?
Par mes enseignements, je m'efforce de former de futur·es professionnel·les de la culture et du patrimoine qui prendront mieux en compte la richesse des publics dans leur diversité, et participera à construire un société plus juste et plus inclusive. Donc je dirais que "fier" n'est peut-être pas le mot, mais je suis heureux que mon travail participe à faire avancer ces questions.
Pourquoi avoir choisi d’intervenir à l’ICART ?
Je suis intervenu à l'ICART pour la première fois en 2022, à l'invitation de Valérie Guibert [Directrice des Études ICART Paris] et, déjà à l'époque, j'avais été ravi de l'accueil qui m'avait été réservé. Lors de mon intervention en février, j'ai été impressionné par la qualité et la pertinence des réponses de la promo auprès de laquelle je suis intervenu. Les étudiants m'ont semblé déjà très informés et, pour la plupart, très investis dans leur travail. De fait, j'ai pu observer une plus grande sensibilité aux questions d'inclusion parmi les étudiantes et les étudiants auxquels je fais cours, à l'ICART comme ailleurs, et qui suit l'évolution d'une grande part de la société dans son ensemble, je crois.
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